mardi 22 novembre 2016

Lycéens à Michelet, ils retrouvent des écoliers de 45 (Ouest-France, 27 mai 2015)



Lycéens à Michelet, ils retrouvent des écoliers de 45




ouest-france.fr du 27T02:03:23/05/2015

Des lycéens de Michelet sont partis à la recherche d'écoliers nantais, qui, en 1945, ont participé à l'écriture de La guerre vue par des enfants. Écoliers d'hier et d'aujourd'hui se sont rencontrés, école Alphonse-Braud.
Autour des tables, des « anciens » de 80 ans et des poussières, des lycéens de Michelet, en CAP des métiers du bâtiment et des élèves de 10-11 ans en CM1-CM2, à l'école Alphonse-Braud. La timidité du début laisse vite la place à la conversation. « Mon père a été arrêté le 20 mai 1944, raconte Monique Chevrier. J'avais eu 10 ans la veille. Ma mère est venue à l'école prévenir l'instit. Avec ma soeur, qui avait 14 ans de plus, on n'est pas rentrée à la maison ce jour-là. Car ma mère savait qu'on pouvait aussi l'arrêter... Mon père a été déporté à Dachau où il est décédé. » Pas besoin de puiser très loin dans les souvenirs. Les événements sont là, si loin, si proches. « Tout ça remonte à la surface », avoue l'octogénaire. Les gamins écoutent, attentifs, curieux.
Cette rencontre a été impulsée par Luc Douillard, prof à Michelet. Il s'est penché avec ses élèves sur un livre de 1945, La guerre vue par des enfants. Un ouvrage écrit par des enfants nantais, à l'initiative d'un enseignant, Alfred Gernoux. L'idée de Luc Douillard et des jeunes de Michelet ? Retrouver ces enfants d'hier et revenir avec eux sur leurs souvenirs de guerre. Ils ont lancé un appel dans les médias pour les retrouver, envoyé des courriers dans les écoles où ils étaient scolarisés à l'époque...
Un récit interrompu depuis 70 ans
Ce mardi matin, quatre des auteurs du livre sont là, Marcel Moreau, Monique Chevrier, Jean Nouvel et Michel Barbec. Touchés d'entendre leurs textes lus par les écoliers. Deux autres « anciens », Christian Émereau et Marcel Bézier, écoliers à Alphonse-Braud il y a 70 ans, sont venus, aussi, à la rencontre des élèves. « Pour eux, 70 ans, c'est le Moyen Âge, sourit Sandrine Perraudeau, enseignante et directrice d'Alphonse-Braud. Là, l'histoire devient concrète. »
Dans la salle, émotion palpable, des plus grands, comme des plus jeunes. « Il n'y a presque plus d'adultes témoins de la guerre : les plus jeunes des résistants, ceux qui avaient 15 ans en 1940 ont aujourd'hui plus de 90 ans, souligne Luc Douillard. C'est donc aux enfants de la guerre, ceux qui étaient encore enfants en 1945, que nous nous adressons. Ils sont porteurs de la mémoire. On reprend aujourd'hui un récit interrompu depuis soixante-dix ans. »
Un flambeau
Soixante-dix ans ont passé mais la mémoire est vive. Christian Émerau raconte aux écoliers d'aujourd'hui, les biscuits vitaminés qu'on distribuait aux enfants, juste après la guerre. « On appelait ça des renforts », dit-il. Mais il dit aussi les bons points reçus en classe et parfois, les coups de règle sur les doigts. À une autre table, Marcel Moreau évoque la réquisition de son grand-frère, pour le travail obligatoire, et ce qui l'a marqué après la guerre.
« Des souvenirs, il y en a beaucoup, confie Michel Barbec. Les bombardements, l'arrestation de mon oncle dénoncé par un copain sous la torture... Ça marque beaucoup. Ça fait du bien de voir qu'on pense à nous. » Dans La guerre vue par des enfants, il décrit le retour d'Allemagne de son père, le 6 mai 1945. Aux jeunes, ce matin-là, il vient leur dire « d'aimer la vie ».
Mahmudul et Quentin, lycéens, ne perdent pas une miette du récit de Monique. « Quel message voudriez-vous transmettre aux jeunes générations ? » lui demandent-ils. « Ayez confiance, gardez le cap et l'optimisme » répond la vieille dame. C'est à son tour, à présent, de poser une question : « Comment vous m'imaginiez ? » Quentin rougit, et ose : « Je pensais que vous seriez moins en forme que ça. »
Il est bientôt midi, et personne n'a vu le temps passer. Mahmudul et Quentin sont visiblement ravis. « C'est formidable de partager un moment comme ça. C'est important d'avoir cette mémoire-là. C'est comme un flambeau, transmis d'une génération à l'autre. »

Yasmine TIGOÉ.

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