mardi 22 novembre 2016

A plus d'un siècle de distance Fernand Pelloutier est toujours d'actualité.


Quotidien Ouest-France du 03/05/2001


A plus d'un siècle de distance Fernand Pelloutier est toujours d'actualité.

Point de vue développé par Luc Douillard, militant de Neuf (Nantes est une fête).

En quoi Pelloutier est-il toujours d'actualité ?

Il a raison à l'usage des faits : le siècle qui vient de s'achever restera marqué comme celui des totalitaires et des fascistes. Or les gens de son esprit, les socialistes libertaires, les anarcho-syndicalistes étaient conscients du danger que faisait courir la prise du pouvoir autoritaire défendue par les marxistes-guesdistes.

Qu'en penser aujourd'hui au début du XXIe siècle ?

On nous dit que le vieux modèle hiérarchique avec un centre dirigeant et une périphérie qui obéit, est fini. C'est le cas de l'Etat Nation, de l'Eglise ou du marxisme-léninisme. Bien des observateurs prévoient une société décentralisée donc sans centre dont le modèle serait Internet. Dans ce cas les Post-modernes n'ont rien inventé parce que c'était déjà la conception de Pelloutier et ses amis. Les bourses du travail - il en a fait passer le nombre de 33 à 81 en 7 ans - visaient à émanciper les travailleurs. Mais ces bourses du travail sont devenues des lieux institutionnalisés... Le mouvement ouvrier s'est vite bureaucratisé. La CGT a été créée un an après sa mort lors du congrès de Limoges. Pelloutier était réticent. Il freinait. Il préférait une fédération souple des bourses du travail avec un appareil réduit. Là encore, la question est d'actualité. Il suffit de comparer la CFDT d'aujourd'hui à la Confédération autogestionnaire des années 1970. Que dirait selon vous Pelloutier des syndicats d'aujourd'hui ? J'imagine qu'il dénoncerait un syndicalisme qui repose de plus en plus sur les élections professionnelles et se passe de plus en plus de militants. Ce syndicalisme contemporain est intégré dans un maximum d'institutions paritaires et fait tourner une machinerie très lourde.

Et que trouverait-on dans des bourses du travail fidèles à Pelloutier ?

Il voulait faire des bourses du travail des centres d'éducation du prolétariat et de culture selon des formules qui restent d'actualité comme ' instruire pour révolter '. Pelloutier a aussi écrit des textes sur l'importance d'un art social : que dirait-il aujourd'hui sur les influences dégradantes de la télévision et la culture subventionnée...

Et le ' grand soir ' serait toujours de mise ?

Pelloutier, contrairement aux marxistes-guesdistes, ne pense pas que la révolution est proche et inéluctable. Il dit souvent que la réussite de la grève générale révolutionnaire est subordonnée à l'éducation prolétaire. Il exprime une sérieuse défiance vis-à-vis de la politique. Les ouvriers doivent, selon lui, apprendre à autogérer l'économie, la productivité dans leur ville et leur région. Un point est également très important : il tourne le dos à la violence. Il propose enfin une réforme radicale du système financier. Cela fait écho aux luttes actuelles de mouvements tels qu'ATTAC, qui proposent eux aussi une réforme radicale en instaurant une taxe sur les flux spéculatifs improductifs.

Recueilli par Thierry BALLU.

Luc Douillard, militant de Neuf (Nantes est une fête) : un lecteur assidu de Jacques Julliard, auteur de ' Fernand Pelloutier et les origines du syndicalisme d'action directe ', paru au Seuil. 2216352 

 

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