mardi 22 novembre 2016

Un groupe de treize lecteurs réagit au projet d'installation d'un casino à Nantes.


Archives Ouest-France

Quotidien Ouest-France du 12/12/1998

Un groupe de treize lecteurs réagit au projet d'installation d'un casino à Nantes. Il s'agit de Jean-Pierre Avermaete, journaliste économique ; Xavier Baglin, gestionnaire Éducation nationale ; Frédéric Barbe, géographe ; Nicole Cayzelle, institutrice ; Philippe Coutant, Nantais ; Luc Douillard, président d'association ; Yves Laventure, employé de banque ; Emmanuelle Lefèvre, institutrice ; Catherine Ouvrard, institutrice ; Gérard Richard, citoyen nantais ; Madeleine Riou, informaticienne ; Catherine Tisserant, étudiante ; Marc Vayer, professeur. 

« On apprend ces jours-ci par Ouest-France que 'Nantes mise sur un casino' [...] Des machines à sous... est-ce ce que nous souhaitons vraiment pour les jeunes (et les moins jeunes) de Nantes ? Les casinos, tout le monde sait bien que cela veut dire : des facilités pour blanchir l'argent sale du crime et de la corruption ; des connexions plus que malsaines avec la bulle spéculative mondiale, et les paradis fiscaux ; des opportunités pour installer la pègre, pardon, le crime organisé, et les mafias dans une ville de province ». 

Au premier rang des vecteurs du blanchiment 

« Ironie de l'histoire : le supplément 'Économie' du journal Le Monde publie ce même jour (4 novembre 1998, annonce d'un projet de casino à Nantes) un compte rendu du livre alarmant 'Finance criminelle' de Marie-Christine Dupuis (consultante du Centre de recherche sur les menaces criminelles contemporaines de l'université de Paris-II). On y lit (entre autres horreurs sur les paradis fiscaux, la drogue et la prostitution, la déréglementation économique mondiale), des nouvelles qui concernent désormais directement les citoyens de cette bonne ville de Nantes : 'Au premier rang des vecteurs du blanchiment figurent les banques [...] les bureaux de change et les assurances [...] Mais ce sont les casinos que préfèrent les mafieux en quête de recyclage, car ils acceptent l'achat de leurs jetons en liquide et remboursent ceux-ci avec des chèques'. 

« Plus loin, cet article du Monde (par Alain Faujas) indique comment 'l'argent sale s'investit dans une série d'entreprises qui manipulent l'argent liquide'. Mais il omet de suggérer l'opportunité en argent liquide que sont les billetteries non-numérotées de grandes manifestations sportives et de spectacles culturels subventionnés, ce qui est remarquable, surtout lorsque l'on note : la faiblesse actuelle des moyens accordés à la Chambre régionale des comptes, au procureur de la République et la police financière, pour la surveillance des institutions nantaises ; la localisation prévue pour ce futur casino, dans un quartier hautement culturel en pleine rénovation : 'un hôtel quatre étoiles et un casino en face de la Cité des congrès' (Ouest-France); les critères éminemment 'culturels' pour l'implantation d'un casino : 'Manifestement, Nantes entre dans les critères d'accueil d'un casino. Outre le centre d'une agglo de plus de 500 000 habitants, il faut en effet participer pour plus de 40 % au fonctionnement d'institutions culturelles ' (Ouest-France). D'ores et déjà, et depuis plusieurs années, plusieurs villes du sud de la France connaissent des intimidations, des provocations et des assassinats, que le milieu du crime organisé, souvent proche des professionnels des casinos, est en mesure de faire subir à la société civile et aux élus locaux. A ce stade, ce sont évidemment les bases élémentaires de la vie en démocratie qui sont compromises durablement ». 

Est-ce ce que nous souhaitons importer ? 

« Depuis les années 1990, la société française est soumise à un véritable harcèlement publicitaire et psychologique en faveur des jeux d'argent. Ce harcèlement est organisé par les professionnels des jeux d'argent, en particulier la Française des jeux et les casinos grâce à d'énormes moyens financiers, qui font se coucher les élus. Ce harcèlement repose sur l'illusion que nous vivons tous dans une société de gagnants. Il est grand temps de stopper ce harcèlement organisé en faveur des jeux d'argent au lieu de vouloir l'étendre par une présence au coeur même de la ville. Question subsidiaire : comment une municipalité de gauche peut-elle afficher une telle soumission à l'argent-roi, ses mécomptes et ses mythologies ? 

« Non seulement, les dépenses effectuées dans un casino sont par nature improductives, mais en outre il faut considérer qu'elles sont soustraites au budget des ménages alors qu'elles auraient été sinon dépensées auprès des commerces et industries locales. Où vont ces recettes des casinos ? : 60 % environ du produit brut des jeux sont prélevés par l'État, c'est-à-dire par Bercy à Paris, et quittent donc l'économie régionale au lieu de l'alimenter. Le solde consenti à la trésorerie municipale de la commune d'accueil (jusqu'à 15 %) reste très marginal et ne peut occulter que chaque année des dizaines de millions de francs s'évaporaient en pures pertes de la sphère de l'économie nantaise. Réagissons avec toutes les personnes de bonne volonté, tant qu'il est encore temps ».

Un casino est en projet à Nantes. Il se situerait en face de la cité des congrès.


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