mardi 22 novembre 2016

Pont-transbordeur, recreusement : conserver la dimension utopique, imaginaire et vernienne de Nantes.





Quotidien Ouest-France du 19/09/2006

De Luc Douillard, lecteur de Nantes : « Dans un courrier paru le 7 septembre, Madame Bouchet expose son sincère effroi face à toute tentation de reconstruire le pont transbordeur (par ailleurs déclaré cet été « Patrimoine de l'humanité » à Bilbao). « Pourquoi s'échiner à refaire réapparaître les signes urbains disparus ? », écrit-elle. Pourquoi pas, en effet. Et l'on en resterait à cet invariable dialogue de sourds. 
 
« À la place de Madame Bouchet, on aurait également pu ajouter que ce projet devrait faire face à un coût financier (imprécisé faute d'études publiques, mais certainement non négligeable) ainsi qu'à un sérieux obstacle matériel (l'occupation actuelle du site par le pont Anne-de-Bretagne). Mais on a préféré faire donner l'artillerie des éternels arguments sans réplique, les mêmes depuis près de vingt ans désormais : « Fausse bonne idée... facétieuse... nostalgique... passéisme... facilité... démagogie couleur sépia... livre d'images jaunies... passé mystifié... parc d'attraction... ». 
 
« Au risque de s'enfermer dans une posture purement idéologique, voire psychologique : l'éternelle lutte, gagnante à coup sûr, du bon sens contre le rêve. Dégagez-moi ces utopistes hors du cercle de la raison raisonnable. Mais à force d'opposer le rêve et la réalité, on oublie que l'action imaginative fait bien partie du réel, elle aussi. Et que ce serait une rêverie tout aussi puérile que de prétendre évacuer ou autocensurer l'imagination politique des habitants.

« Qui veut priver Nantes de sa dimension imaginaire ? Lorsqu'il y a déjà près de vingt ans maintenant, nous demandions le recreusement des bras et canaux comblés, et que nous faisions venir sur le cours des 50-Otages des bateaux et des scaphandriers sous l'oeil amusé des télés, et bien nous avions enrichi la culture de la ville et l'esprit des lieux. Durant la décennie suivante, on ne pouvait plus lire l'une de ces enquêtes parisiennes « spécial Nantes » de L'Express ou du Point sans qu'il n'y soit question du recreusement, comme un oxymore créatif faisant rimer sérieux et fantaisie, passé et hyper-modernité.

« Nantes y avait gagné en poésie, mais aussi en dynamique culturelle, sociale et urbaine. Maintenant que les attachés de presse et les chargés de communication ont à nouveau banni ce thème des reportages, qu'est-ce que nous y avons gagné ? Rien. Qu'est-ce que nous avons perdu ? Une part d'enchantement collectif, et ce n'est pas rien.

« Si j'étais décideur local (et peut-être fermement décidé à ne jamais rien entreprendre de vraiment intéressant, comme la plupart des décideurs contemporains), je favoriserais cependant la dimension utopique, « vernienne » et libertaire de Nantes, surréaliste même. Car sinon, nous périrons sous le poids du faux bon sens, celui-là même qui décrétait, la même année 1958, la mise au rebut simultanée, qu'on croyait définitive, des tramways nantais, des bateaux bus et du pont transbordeur. Qui avait raison ? »




« Si j'étais décideur local, je favoriserais la dimension utopique, « vernienne » et libertaire de Nantes, surréaliste même. Car sinon, nous périrons sous le poids du faux bon sens. »



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